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Sandra Mathieu a récemment publié le livre « Le plus grand des petits voyages (Vers la Méditerranée) » dans lequel elle décrit son voyage le long du canal de la Sagne.

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Nous avons découvert votre premier livre sorti en 2017. Ermitages d’un jour décrivant votre aventure d’un an dans les préalpes d’Azur, dans le département des Alpes Maritimes. Quel est le sujet de ce second livre intitulé Le plus petit des grands voyages (Vers la Méditerranée) ?

Ce livre raconte un voyage de deux fois quatre jours effectué entre les Préalpes d’Azur et la ville de Cannes, sur la Riviera française. J’ai suivi le canal de la Siagne, un canal qui traverse d’abord une nature boisée et qui s’achève sur les hauteurs de la ville des festivals, au cœur de la côte d’Azur. J’ai fait un grand écart malgré ce court laps de temps, un grand écart géographique, botanique ou encore architectural. Je suis partie avec ma chienne sans préméditation ni préparation, ce que me permettent de faire ces voyages de proximité, des trajets micro-géographiques que j’insère dans mon emploi du temps le plus régulièrement possible. Cette fois, j’ai fait le trajet aller à l’automne et le retour au printemps. J’ai volontairement laissé un temps de latence entre les deux saisons pour revivre en esprit ce minuscule voyage, mais aussi pour le traduire en mots. C’était une façon de le rendre pérenne. À l’automne, la végétation qui longe le canal donne à l’eau une teinte chaude et délicate. Au printemps, c’est le miroir d’une nature qui s’éveille à nouveau. Pourquoi le plus petit, pourquoi le plus grand ? Ce livre est aussi l’occasion de réfléchir à l’intérêt et aux conséquences de ces deux options. Pour moi qui me méfie des classements, c’était aussi primordial de revenir sur l’influence de mon éducation et celle d’une société souvent déterminante sur des choix que nous croyons personnels. Je pense que l’impact de ces escapades régulières est au moins aussi important que ceux des voyages au long cours.

Existe-t-il des sujets ou des thèmes communs à ces deux récits de voyage ?

Ma réflexion sur l’aventure s’est approfondie. Il y a une injonction à partir en voyage, à partir loin, à faire des voyages exotiques dont le récit fasse envie ou qui rende éventuellement envieux, voire jaloux. Aujourd’hui, après ce premier épisode de confinement (entre mars et mai 2020), on revient sur cette marchandisation du voyage de masse. Bien sûr, il existe aussi un commerce du voyage en France, et même de proximité depuis quelques temps. Bien avant cette période, j’avais pris l’habitude d’explorer mon environnement proche, comme une ressource. Je parle davantage d’inventer son trajet, en marge de ce qu’on nous dit être beau ou valoir le coup. J’ai eu l’occasion et la chance de faire des voyages plus lointains mais je suis attachée au territoire que j’habite et que j’ai choisi. Je reprends le terme d’ « escapisme » qui traduit la volonté de s’échapper et de partir souvent, dès que possible. C’est évidemment le résultat de ma nature qui doit combiner l’immobilité nécessaire au fait de travailler ou d’écrire et l’ « hyper-curiosité » pour les paysages, voire l’hyperactivité. Je réfléchis aussi, à nouveau, à ce que signifie l’aventure. Je reviens sur les conséquences souvent néfastes des voyages organisés ou les répercutions écologiques de nos déplacements. Je remets également en cause les classements et les jugements de valeur concernant les différentes catégories de marcheurs, les vrais randonneurs, ceux qui ne le sont pas, etc. Je pense appartenir à la catégorie des marcheurs-rêveurs, de ceux qui s’attardent, se perdent, revivent des souvenirs anciens, marchent en compagnie des absents, ceux qui s’illusionnent sur une vie imaginaire.

Avez-vous emprunté des sentiers balisés, des GR ou des portions de GR ?

Le canal de la Siagne fait environ 60 kilomètres de bout en bout. Pour le suivre entièrement, il faut relier les différentes portions entre elles, ce qui constitue déjà une aventure en soi, un challenge amusant. Le canal est parfois enterré. Il traverse des villages puis des villes plus importantes comme Grasse, Mougins, Le Cannet où Pierre Bonnard a peint de nombreuses toiles, dont une du canal de la Siagne, justement. Dans sa partie sauvage, il longe le GR 510 qui est une variante du GR 51, échappée du GR 5. On nomme le GR 510 « Sentier des Huit-vallées ». Il part de la Roya, dans l’arrière-pays niçois et s’enfuit vers le Var sauvage. Le GR 51 est perché sur les « Balcons de la côte d’Azur » et le GR 5 atteint Nice depuis Amsterdam ou vice et versa. Sur le canal, en arrivant vers Cannes, on aperçoit sur le parapet d’un pont la conque dorée du chemin de Saint-Jacques-de Compostelle. C’est évidemment une variante du GR 6 qui traverse aussi le sud de la France. Il est difficile d’échapper aux sentiers balisés, au PR, aux GR ou aux GR de pays. Les croiser me contente parce qu’ils me font voyager en imagination. Mais je préfère souvent me tenir à distance, pour ne pas croiser trop de marcheurs. Une trop forte ou trop mauvaise fréquentation dénature souvent les paysages.

Quels sont les conseils que vous donneriez aux marcheurs qui entreprendraient ce genre de démarche ?

Je n’aime pas les recommandations ni les conseils, à l’exception de ceux concernant l’urgence et la nécessité. Sur ce chemin, qui n’est pas un sentier, les passages qui traversent les routes ne sont pas sécurisés, ce qui est problématique et dangereux. On est là face à un problème : la communication autour de ce canal en fait un lieu de balade. Elle le décrit comme un lien intercommunal. Dans la réalité, ce n’est pas le cas. Si je ne donne pas de conseils, c’est aussi par souci d’indépendance. Je tiens à la mienne et je fais confiance aux gens pour gagner la leur : faire ses propres choix, se laisser guider par le hasard, par son instinct, par les circonstances, c’est toujours préférable à l’utilisation des guides et au balisage mental.

Avez-vous d’autres projets d’écriture, d’autres livres en cours ou d’autres récits d’aventure ?

Beaucoup d’autres ! En ce qui concerne les récits de voyage, je travaille à un nouveau projet. J’évolue intellectuellement et psychologiquement par rapport à cette notion d’escapisme : « Fuir où ? », j’ai répondu à cette question. Celle qui me préoccupe de plus en plus c’est : « Fuir, mais pourquoi ? ». Si l’on change les aspects de notre vie qui ne nous conviennent plus, fuir n’est plus nécessaire. Changer sa vie pour qu’elle soit plus vivable, de plus en plus vivable et totalement satisfaisante, voilà qui serait idéal. À la limite de mon département, à la frontière avec l’Italie, j’ai rencontré une femme qui vient chaque week-end. Comme beaucoup de Niçois, elle fuse en voiture vers les vallées alpines chaque fin de semaine. Puis elle revient en ville dans la soirée du dimanche pour se remettre dans les clous d’une ville qui roule, essayant comme chacun de lutter contre les embouteilles accablants qui l’aspireront bientôt pour une semaine. J’ai demandé à cette femme, très aimable au demeurant et qui m’a prise en stop le temps d’une discussion, si la transition entre sa vie montagnarde et sa vie à Nice n’était pas trop violente. J’ai compris à son émotion qu’elle l’était : « Pourquoi ne pas venir vivre ici ? », lui ai-je demandé. Parfois la nature de notre travail l’empêche, parfois c’est la vie de famille ou diverses obligations, parfois de mauvaises raisons. Voilà, tout ceci pour dire que cette réflexion sur nos choix de vie apparaît en toile de fond de mon troisième récit. Par ailleurs, j’ai dernièrement achevé d’autres textes de fiction. Un roman et des nouvelles sont à paraître. Ils sont absolument différents par la forme et par les sujets qu’ils explorent. J’espère vous les présenter bientôt.

 

Merci pour votre intérêt.

Le plus petit des grands voyages. Vers la Méditerranée.

Collection Voyage en poche, Transboréal, 2020

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